Jurisprudence

LE DEBITEUR DE LA DETTE DOUANIERE : INTERPRETATION MESUREE PAR LA CJUE DE LA NOTION DE PERSONNE QUI « SAVAIT OU AURAIT DU SAVOIR »

Pour s’assurer du paiement de la dette douanière notifiée a posteriori, c’est-à-dire lors de la constatation d’une irrégularité, le Code des Douanes de la Communauté définit le débiteur de cette dette comme non seulement le débiteur normal (déclarant et/ ou la personne pour le compte de laquelle la déclaration a été faite), mais également la personne qui

            « savait ou devait raisonnablement savoir »

qu’elle participait à l’irrégularité constatée, par fourniture d’informations fausses ou l’achat ou la détention des marchandises concernées notamment.

La Cour de Justice de l’Union européenne vient de rendre deux décisions intéressantes pour l’interprétation de cette notion

1°) Dans un arrêt du 19 octobre 2017 (A c/ Secrétaire d’Etat aux Finances des Pays Bas Aff C – 522/ 16), elle a considéré que la personne physique qui, étant associé et administrateur de la Société importatrice, a participé au montage d’une chaîne de sociétés destiné à  gonfler artificiellement le prix des marchandises importées pour leur permettre d’atteindre le seuil de déclenchement de droits additionnels et d’échapper ainsi au paiement de droits additionnels devait être considéré comme débiteur de la dette douanière, même si un spécialiste de la réglementation douanière lui avait assuré que le schéma était régulier.

2°) Dans un arrêt du 22 novembre 2017 (AEBTRI c/ Bureau de Douane de Bourgas Aff C – 224 /16)), elle a statué sur le cas du détenteur d’une marchandise qui, ayant circulé sous un titre de transit T1, lui avait été livrée sans avoir été présentée au bureau de douane où le transit devait être apuré.

Dès lors que le régime TIR ne met pas à la charge du destinataire une obligation personnelle de s’assurer que les marchandises ont bien été présentées au bureau de douane de destination, le seul fait que le destinataire ait su ou dû savoir que les marchandises avaient circulé sous TIR ne permet pas nécessairement de déduire qu’il ait su ou dû savoir que les marchandises n’avaient pas été présentées au bureau de douane de destination et il ne peut dès lors être considéré comme débiteur de la dette douanière, sauf à créer une forme de présomption irréfragable.

Il appartient donc aux Juridictions saisies d’apprécier les circonstances de l’affaire en fonction notamment des obligations contractuelles du destinataire, ou de la personne susceptible d’être visée par une des dispositions du Code.

 

JURISPRUDENCES MAJEURES OBTENUES PAR LE CABINET

PAR SUJET et NON NOMINATIVES

1. Nullité de procédures

Cass. Crim. 2 juin 1986 (n° 84.95.593)

La présence d’un Officier de Police judiciaire à une visite domiciliaire est une disposition d’ordre public. Son absence ne peut être couverte par un accord écrit de la personne qui fait l’objet de la procédure et entraîne la nullité de la visite domiciliaire et de la procédure subséquente.

Cass. Crim. 28 octobre 1991 (N° W 90-83.708 D).

Même si les délits en matière douanière et cambiaire peuvent être prouvés par
toutes voies de droit, les éléments de preuve devant le Juge pénal ne doivent pas avoir été obtenus frauduleusement

Cass. Crim. 10 juillet 1995 (N° F 94-82.767).

La remise d’échantillons au titre de l’article 65 du Code des Douanes, qui ne
permet que la saisie de documents, est entachée d’une nullité qui entraîne celle
de la procédure subséquente.

 

2. Règles de procédure

Cass. Crim. 12 décembre 1996 (N° B 95-81.318 PF)

L’abrogation en cours de procédure du texte sur lequel sont fondées les
poursuites entraîne l’extinction de l’action publique et de l’action fiscale.

Cass. Com. 10 février 2015 (n° 13-21-537)

Les droits effectifs de la défense n’ont pas été respectés dans une procédure qui, après 3 ans d’enquête, n’a permis à l’importateur de connaître les infractions qui lui étaient reprochées qu’à l’occasion de la notification d’infraction, sans possibilité pour lui de faire connaître utilement son point de vue

TGI Amiens 7 juillet 2017 (jugement définitif)

Annulation de la procédure car l’Administration n’avait pas communiqué à l’opérateur, avant la notification d’infraction, les éléments pris en considération pour contester l’espèce tarifaire déclarée

TGI de Fort de France 14 novembre 2018 (jugement définitif)

Annulation d’un Avis de Mise en Recouvrement pris sur la base d’un procès-verbal de notification d’infraction fondé sur des documents qui n’étaient pas mentionnés dans l’Avis de Résultat d’Enquête et sur lesquels l’importateur n’avait pas pu faire valoir ses arguments

TJ du Havre 9 novembre 2023 (définitif)

La première visite par le bureau de douane de la Guadeloupe d’un bateau de
plaisance battant pavillon étranger constitue la mise à la consommation
irrégulière du bateau, propriété d’un français dont la résidence fiscale française, résulte d’informations en possession du bureau de douane et fait courir le délai de prescription.
Les allers et retours subséquents du bateau dans les eaux territoriales françaises ne peuvent faire repartir le délai de prescription.

CA. Paris 7 mars 2001

Absence de preuve d’apurement irrégulier d’une opération de perfectionnement
actif par défaut de production, par l’Administration des Douanes, du recto de la déclaration d’exportation du produit exportateur.

CA. Paris 19 décembre 2008 (Publié en mai 2009 à la Gazette du Palais)

L’Avis de Mise en Recouvrement, titre exécutoire, ne peut être établi avant que le fait générateur de la créance ait été constaté par un acte de procédure antérieur de l’Administration des Douanes

 

3. Classement tarifaire

Cass. Crim. 25 janvier 2006 (N°05. 82. 104)

Les chassis et les syntoniseurs présentés ensemble au dédouanement mais
représentant moins de 40 % de la valeur des éléments matériels d’une télévision
ne peuvent être classés comme des téléviseurs incomplets en l’absence du tube cathodique qui représente plus de 50 % de la valeur du téléviseur.

 

4. Origine préférentielle

Cass. Crim. 20 juin 1996 (n° Z 94-83.382 PF)

Les Autorités du pays d’importation ne peuvent substituer leur propre enquête sur l’origine préférentielle du produit importé à l’invalidation par les autorités
douanière du pays d’exportation prévue par la Convention de Lomé.

Cass. Crim. 3 octobre 1996 (n° U 95-82.300 PF)

L’origine d’un produit importé dans l’Union européenne, lorsqu’elle est certifiée, en vue de l’application d’une préférence tarifaire, par un document émanant de l’autorité compétente du pays d’exportation, ne peut être remise en question que dans les conditions prévues par le règlement communautaire ou l’accord international en vertu duquel le tarif préférentiel a été accordé.

CA Versailles 20 décembre 2007
Lorsque le statut préférentiel d’une marchandise est établi sur la base d’un
système de coopération administrative impliquant les autorités d’un pays tiers, la d’un certificat par ces autorités, s’il se révèle incorrect, constitue une
erreur qui n’était pas raisonnablement décelable au sens du premier alinéa de
l’article 220 2b) du Code des Douanes communautaire.

 

5. Valeur en douane

Cass. Com. 14 mai 2013

Le premier degré de commercialisation à une personne « non liée » au vendeur,
au sens du Code des Douanes communautaire, qui conditionne le recours à la méthode déductive d’évaluation en douane, est respecté dans le cas de deux commissionnaire à la vente qui sont intervenus successivement pour assurer la
vente, même s’ils sont « liés » entre eux
Tribunal de Commerce de Paris 17 mars 2010 (définitif)

Le propriétaire d’un objet d’art en importation temporaire pour vente éventuelle endommagé lors d’un transport ne peut demander une indemnisation supérieure
à la valeur en douane déclarée

CA Paris 21 janvier 2022 (pourvoi)

Rejet des modalités de la méthode d’évaluation en douane dite « du dernier
recours » prévue par l’article 74. 3 du Code des Douanes de l’Union dans une
contestation relative à des importations en régime 42

6. Mesures du commerce extérieur

CJCE 7 mars 1990 (C-153 à C-157/88)
Lorsque les quotas d’importation des tentes de camping sont fixés en poids des marchandises, le poids des mâts et des piquets présentés au dédouanement en même temps que les parties textiles doit être inclus dans le poids de la tente pour le calcul des quotas

7. Contributions indirectes
TGI de Fort de France 12 décembre 2017
Le commissionnaire en douane n’est pas débiteur de la taxe Premix (définitif sur
ce point)